PHOTOGRAPHY • INSPIRATION

Creator Collective : Isa Muguruza

Partez à la rencontre de cette illustratrice madrilène réputée pour ses illustrations psychédéliques et gorgées de couleurs.

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Creator Collective : Isa Muguruza

Partez à la rencontre de cette illustratrice madrilène réputée pour ses illustrations psychédéliques et gorgées de couleurs.

RESSOURCES

À 26 ans, la Madrilène Isa Muguruza s’est déjà fait un nom grâce à son style surréaliste et psychédélique. Ses illustrations extraterrestres explorent les thèmes de la féminité, de l’image corporelle et de la sexualité.

Quand vous êtes-vous essayée à l’illustration pour la première fois ? Racontez-nous votre parcours.

Il n’y a pas eu de moment déclencheur à proprement parler. Je pense d’ailleurs que c’est le cas de la plupart des artistes. Je me suis réfugiée dans le dessin dès l’enfance. Pour moi, c’était un moyen d’imaginer des mondes parallèles, dans lesquels tout était possible. Si le dessin a toujours fait partie de ma vie, la possibilité d’une carrière dans l’illustration a émergé lorsqu’après plusieurs années dans le design graphique, j’ai créé un compte Instagram pour y publier mes créations. Face à l’afflux progressif de commandes reçues via des messages sur cette plateforme, j’ai dû choisir entre la poursuite du graphisme et l’illustration à temps plein. Ayant toujours rêvé de devenir illustratrice, j’ai opté pour la seconde voie.

Votre style est très singulier. Comment en êtes-vous venue à créer votre esthétique visuelle ?

Cela découle d’un processus. À mes débuts en illustration, j’utilisais uniquement des feutres Pilot et Posca noirs. Leurs traits ont toujours fait partie de mon style. La palette de couleurs a quant à elle évolué avec le temps. J’ai commencé très timidement à ajouter de la couleur dans mes illustrations, des pastels en général. Petit à petit, j’ai gagné en audace, en introduisant des teintes acides et psychédéliques. Je me suis aussi permis d’aborder des sujets dont j’avais peur au départ.

 

Mon style de dessin étant assez réaliste, pour affirmer ma personnalité et accentuer le surréalisme, j’ai compris que je devais utiliser des couleurs plus abstraites. Cette évolution s’est faite très naturellement, presque de manière inconsciente. Elle a consisté à identifier et à éliminer mes préjugés, à ouvrir mon esprit pour être capable de créer de nouvelles choses.

 

Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?

D’autres illustratrices : Exotic Cancer, Eromatica, Bangeroo, Yoko Honda, Kristen Liu-Wong, Laura Callaghan... En art contemporain, je suis une inconditionnelle de Dan Lam. On dirait que ses sculptures viennent d’une autre planète. Elles me fascinent. J’aime aussi beaucoup l’artiste Signe Pierce, notamment ses performances sur Instagram, et les robots rétrofuturistes de Hajime Soroyama.

 

Et puis il y a les incontournables : tout le mouvement surréaliste, le style Memphis... Chez les illustrateurs classiques, j’aime beaucoup Alphonse Mucha ou encore Aubrey Beardsley. Je m’intéresse également à la mythologie grecque. Cette démarche consistant à chercher des réponses à tout me fascine. Ce qui semble provenir d’un autre monde, d’une réalité parallèle, m’inspire.

 

La pop culture, la mode, les années 1990 et toutes les femmes qui s’affirment m’ont également toujours inspirée.

La sexualité, l’émancipation et la féminité sont des thèmes récurrents dans votre travail. Y a-t-il un message particulier que vous souhaitez communiquer ? Quelles réactions voulez-vous susciter avec vos œuvres les plus provocatrices ?

Mon principal message, c’est de dire aux femmes qu’elles méritent de s’aimer. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours dessiné. Un jour, j’ai remarqué à quel point toutes les filles que j’avais dessinées dans ma jeunesse étaient physiquement « normatives ». J’ai commencé à dessiner mon propre corps afin d’apprendre à l’accepter. Cela m’a beaucoup aidée, et même si je n’ai pas encore surmonté tous mes complexes, le fait d’illustrer tous les types de morphologie me semble positif. Puisqu’on ne les retrouve pas en couverture des magazines, autant les dessiner soi-même.

 

Je veux aussi normaliser la sexualité, mettre fin à son côté tabou. Les femmes que je dessine n’ont aucun complexe quant à l’énergie sexuelle qu’elles dégagent, bien au contraire. Je ne comprends pas la surprise de certains face à aux œuvres à la limite de l’érotisme. Les musées d’art classique regorgent de tableaux et de sculptures de nus, d’œuvres dépeignant des orgies mythologiques, et cela ne choque personne. Mon but n’est pas de provoquer, mais simplement de normaliser cette chose parfaitement naturelle qu’est le sexe.

La musique est également très présente dans vos illustrations. Qu’écoutez‑vous en ce moment ? Quels sont vos disques de chevet ?

J’écoute constamment de la musique quand je dessine. Mon coup de cœur du moment, c’est « Perra », de Rigoberta Bandini. Quant à mon disque de chevet, il s’agit de « Migration » de Bonobo. J’ai dû l’écouter des milliers de fois et je ne m’en lasse toujours pas. Il m’emporte à chaque fois.

Quel est l’équipement ou l’application dont vous ne pourriez pas vous passer ?

Mon iPad Pro. J’en ai un de première génération et il a changé ma vie. J’adore dessiner dessus.

Vous arrive-t-il de collaborer avec d’autres artistes ? Si oui, expliquez-nous comment vous procédez.

J’ai collaboré à quelques reprises avec des créateurs de mode et de bijoux. Le processus est toujours le même : on essaye ensemble de dégager un concept ou une idée comme thème central de la collection, qu’il s’agisse de vêtements ou d’accessoires. Une fois le concept défini, le plus intéressant est que chacun se concentre sur son domaine d’expertise. Pour cette raison, j’ai toujours travaillé sur les formes ou les imprimés, et les designers sur les motifs, les matériaux ou les tissus. C’est vraiment génial de s’associer à un autre créatif dans le cadre d’un projet commun, car on en tire toujours des enseignements, et cela nous force à voir les choses sous un autre angle. C’est très gratifiant.

Et pour la suite ? Avez-vous de nouveaux projets qui vous tiennent à cœur ?

J’ai l’intention d’organiser une exposition en octobre à Madrid. Bien sûr, je continuerai de m’occuper de ma boutique en ligne, où je vends des tirages, des calendriers et d’autres objets. J’ai aussi commencé à travailler sur mon prochain recueil. Je devrais bientôt pouvoir en dévoiler quelques extraits.

Quel est le projet de vos rêves, celui qui vous fait fantasmer, mais que vous n’avez pas encore concrétisé ?

J’aimerais beaucoup travailler avec une marque de mode de luxe. J’adore la façon dont les grandes maisons créent tout un univers à chaque collection, dont l’influence se fait ressentir, des campagnes marketing aux moindres recoins de chaque boutique. La création des produits, les accessoires, la décoration des magasins... Tout cela implique de nombreuses disciplines artistiques. Ce serait un rêve de participer à un tel projet.

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